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Guillaume Gomez, le chef du Palais de l’Elysée : « La cuisine est un don de soi »

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Guillaume Gomez, le chef des cuisines du Palais de l’Elysée, sortait le 18 octobre dernier «Leçons en pas à pas», un livre rassemblant techniques de cuisine et recettes, dont certaines qu’il sert à l’Elysée.

À l’occasion de la venue du Président  de la République, Emmanuel Macron, dans le Puy-de-Dôme pour y adresser son message au monde agricole, l’Académie des Gastronomes du Puy-de-Dôme souhaite faire partager à ses lecteurs un entretien spécial accordé par le chef Guillaume Gomez à Paris Match. Propos recueillis par Kahina Sekkai.

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Comment est venue l’idée du livre ?

Les éditeurs sont venus me chercher. Ils avaient deux arguments : par rapport à tout ce que je fais avec les jeunes, les stagiaires, les jeunes professionnels, d’axer le livre sur le pas à pas, la transmission. L’idée me séduisait, davantage qu’un livre de cuisine, qu’un livre de chef, qui ne me ressemble pas.
Le deuxième propos, c’est le grand chef Paul Bocuse partait du principe que s’il y avait quelque chose à faire sur la transmission, ce serait bien que ce soit moi pour ce que je représente : meilleur ouvrier de France et chef au Palais de l’Elysée. Pour lui, c’est la place, le poste, et je suis le chef qui doit représenter ce qu’est la transmission du savoir pour les meilleurs ouvriers de France et les cuisiniers.

À qui est destiné ce livre ?

C’est assez large : à tous ceux qui veulent apprendre la cuisine, du jeune professionnel qui se lance dans le métier jusqu’à la ménagère / le ménager, il n’y a pas de genre en cuisine, bien au contraire. Il est destiné à tous ceux qui veulent se mettre à la cuisine ou ceux qui voudraient peaufiner leur technique. Ce qui fait la richesse de la cuisine française, c’est bien évidemment le terroir, le produit, mais ce qui fait la différence, c’est notre technique de cuisine. Il était important qu’il y ait un bouquin qui se focalise vraiment sur les techniques, sur le geste parce que c’est un métier qui ne s’apprend pas dans les livres normalement. C’est un beau livre de cuisine, mais un outil pédagogique avant tout. Le pas à pas est complètement explicite. La technique est bien développée, ça permet de développer assez rapidement vos connaissances, de revenir dessus.

Comment avez-vous choisi parmi toutes vos recettes et techniques ?

Ça a été très compliqué parce que, bien évidemment, on est parti sur 50 recettes puis on a mis sur le papier celles qu’on souhaitait et on est arrivé à 150, 200 recettes. Il a fallu restreindre les spécialités régionales, sinon il nous fallait des centaines et des centaines de recettes, et des recettes avec des techniques bien spécifiques : une fois que vous savez faire un sauté d’agneau, vous savez faire tout ce qui est viande sautée, mijotée… On voulait transmettre les techniques par ce livre et une fois que vous les maîtrisez, vous savez faire plusieurs choses.

Quel est le principal conseil que vous donnez à un lecteur ?

De s’y mettre ! Je ne voulais pas de recettes à la fin parce que souvent, les gens regardent les recettes et se disent : ah non c’est trop compliqué, ça a l’air dur, alors que pas du tout. Il ne faudra pas être effrayé ni découragé si le résultat n’est pas celui escompté. Mais je peux vous garantir que si vous suivez les explications pas à pas, vous allez arriver à un bon résultat. Il faudra après travailler le goût, les assaisonnements… Si vous arrivez à maîtriser toutes les techniques du livre, vous êtes un très bon ouvrier.

Quelle recette recommandez-vous pour commencer ?

C’est vraiment une question de goût. Je pars du principe que si la cuisine est faite pour les autres, la cuisine doit ressembler à celui qui la fait. Si vous n’aimez pas le poisson ou que ça vous effraie trop, ne commencez pas par ça. Il faut commencer petit à petit parce que vous aimez faire, manger. Si votre plat préféré est le poulet rôti, essayez. Vous verrez que les techniques que je vous apporte avec ce livre vous montrent que la cuisson, le repos, l’assaisonnement sont importants et c’est ce qui fait la différence avec ce que vous pensez savoir faire. Commencez par ce que vous avez envie de faire.
Ça dépend des occasions, pour qui vous recevez. La cuisine est faite pour l’autre, c’est un don de soi. Quand vous êtes chez vous et que vous faites à manger à votre famille, vous faites ce qu’ils ont envie de manger selon la période, la saisonnalité, selon les goûts de chacun et le but de ce repas : un anniversaire, un repas de fête, un repas de tous les jours.

L’Elysée doit regorger d’archives incroyables. Y puisez-vous des idées, des inspirations ?

Ça fait 20 ans que je suis ici et quand je suis arrivé, trois de mes camarades dont le chef pâtissier et le chef saucier étaient arrivés sous le général de Gaulle. Je préside une association, Les Cuisiniers de la République, dont un membre est un monsieur qui était ici sous René Coty. Il continue à venir nous voir car j’ai ce souci de transmission envers les jeunes. Le passif, on l’a, de la parole à la parole et on se le transfère d’histoire en histoire, c’est comme ça que le métier se transmet. On continue de puiser dans les archives mais nous ne sommes pas coupés du monde, on n’est pas hors du temps même si le Palais semble figé dans l’histoire puisqu’il est un monument historique, ce n’est pas opposable à la modernité. On ne fait plus la cuisine comme on la faisait il y a 50 ans, parce que les gens ne mangent plus la cuisine qu’on mangeait il y a 50 ans. Il y a des plats ancrés dans la tradition mais qu’on a allégés avec des techniques mises au goût du jour.

Cela fait 20 ans que vous êtes à l’Elysée. Est-ce qu’on se lasse d’un tel cadre ?

Si j’étais lassé, je ne serais plus là. Je ne suis pas élu par les Français, je suis ici parce que je le souhaite. Je n’ai pas de mandat avec les Français, je suis ici parce que j’aime le travail. L’avantage de ma place ici, c’est qu’on a aucune routine, on a aucune carte, on est dans le travail de la saisonnalité et de la remise en question quotidienne. On ne se lasse pas d’un tel cadre.
J’ai des collaborateurs géniaux dans tout le service de l’intendance : les maîtres d’hôtel, les argentiers, les fleuristes, des grands professionnels qui sont à même d’être au plus haut de leur métier avec la même passion que j’ai pour la cuisine. Cet échange fait qu’on travaille dans un cadre sympathique. Quand on arrive au travail et que tout le monde a le sourire même s’il y a beaucoup de travail, c’est une bonne chose.

Vous avez beaucoup d’engagements, notamment auprès d’associations, comment réussissez-vous à concilier tout ça ?

C’est un choix de vie : je prends très peu de repos, très peu de vacances, et le peu de repos que je prends j’essaie de le consacrer au métier, à la transmission. Je pars du principe que si j’ai la chance d’être arrivé jusqu’ici, je le dois à mon travail mais aussi aux rencontres que j’ai faites. S’il n’y avait pas des chefs qui avaient pris de leur temps pour transmettre ce métier par les associations, par les concours, je n’en serais pas là aujourd’hui. Et je n’en serais pas à cette connaissance technique des produits si je ne prenais pas le temps d’aller voir les producteurs, d’aller rencontrer celles et ceux qui nous font tout ça.
On est toujours dans la recherche de la connaissance, comment on peut faire évoluer les choses, apporter des nouveautés parce que ça nous plaît, parce qu’on est convaincu et qu’il faut mettre en avant le travail de tel producteur ou tel éleveur.

Allez-vous offrir le livre au président ?

Bien évidemment j’offrirai le livre au président et à madame, avec grand plaisir. Après, s’ils feront des recettes, je ne sais pas, il faudra leur demander !

Les deux associations présidées par Guillaume Gomez

Les Cuisiniers de la république française, association qui rassemble tous les cuisiniers qui travaillent pour la République française, en France comme à l’étranger, dans un souci de bien servir nos hôtes. Aussi bien dans les ministères que l’Assemblée, le Sénat, des préfectures, des mairies, des régions, même des prisons, des crèches, mais aussi ceux qui sont dans nos représentations à l’étranger, les consulats et les ambassades.

Euro-toques, que je co-préside avec Michel Roth, association créée il y a plus de 30 ans par Monsieur Paul Bocuse avec d’autres chefs européens, pour défendre la sauvegarde et faire la promotion de certains produits. Craignant de perdre notre identité, les chefs ont bougé et ont fondé Euro-Toques et grâce à Jacques Delors, c’est la seule association à avoir le droit d’argumenter et de solliciter des réunions ou d’aller parler devant la Commission ou le Parlement européen avant le vote des lois. C’est comme ça qu’on a réussi à sauver le foie gras, quelques AOC, des AOP, qu’on n’a pas le droit de faire du camembert en Italie, ni de la mortadelle en Alsace, que chacun garde son identité. C’est européen : plus d’Europe ne veut pas dire moins de France ou moins d’Italie. Tous ensemble, on est plus forts.

« Cuisine, leçons en pas à pas », par Guillaume Gomez,  photographies Jean-Charles Vaillant.
Edition du Chêne. 504 pages, 39,90 euros.

 

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